Une année forte en événements politiques se poursuit au Canada alors que trois élections générales provinciales sont prévues pour l’automne. En Colombie-Britannique, les élections sont prévues pour le 19 octobreth et les revirements spectaculaires observés sur les bancs de l’opposition en font un événement à suivre.
Le gouvernement néo-démocrate majoritaire de la Colombie-Britannique a été réélu en 2020, au plus fort de la pandémie. En 2022, l’ancien premier ministre John Horgan a démissionné et David Eby lui a succédé à l’issue d’un processus d’investiture. Eby était alors le seul candidat approuvé. La cote de popularité d’Eby est restée stable malgréle mécontentement accru à l’égard de son gouvernement en raison de la hausse du prix des logements et de la criminalité.
Le NPD a abordé cette campagne électorale avec l’espoir d’une « scission de la droite », en observant les conservateurs de la Colombie-Britannique, dirigés par John Rustad, gagner du terrain au détriment du parti BC United de Kevin Falcon, l’ancien parti libéral de la province. Les deux partis d’opposition se disputaient le titre de « centre-droit alternatif », tandis que le NPD se dirigeait vers une super-majorité. Cependant, après une semaine mouvementée dans la politique britanno-colombienne, la course s’est resserrée.
Le 28 août dernier, Kevin Falcon, leader de BC United, a annoncé la suspension de sa campagne électorale, en présence du leader conservateur de la Colombie-Britannique, John Rustad.BC United s’est retiré de la course et a apporté son soutien aux conservateurs de la province, qui ont pu intégrer plusieurs anciens députés et candidats de BC United à leur liste. Cette décision est sans précédent : – un ancien parti au pouvoir se retire pour céder la place àun parti qui n’a remporté aucun siège lors des dernières élections. Lorsque John Rustad a pris la tête du parti après avoir quitté le caucus de BC United (écarté par Kevin Falcon en raison de ses commentaires sur les changements climatique), le parti stagnait autour de 10 % dans les sondages. Depuis l’annonce du 28 août, les conservateurs sont pratiquement à égalité avec le NPD, obtenant 44 % des intentions de vote contre 43 %.Cependant, le NPD conserve une avance dans la région métropolitaine de Vancouver et sur l’île.
Plusieurs facteurs ont contribué à l’ascension rapide de John Rustad. Tout d’abord, les conservateurs se sont rapidement opposés à certaines politiques impopulaires du gouvernement Eby, notamment son projet pilote de « décriminalisation des drogues », qui permettait aux Britanno-Colombiens de consommer de petites quantités de substances illicites dans certains lieux désignés. Le gouvernement a récemment fait marche arrière sur ces politiques. Le changement de nom des BC Liberals en BC United n’a pas renforcé la position du parti en tant qu’alternative de « centre-droit » face aux conservateurs. Ceci est d’ailleurs illustré par le fait que le parti a demandé à ce que la mention « Anciennement les BC Liberals » figure sur le bulletin de vote. Cependant, la montée en puissance du Parti conservateur du Canada et la popularité accrue de son leader, Pierre Poilievre, ont indéniablement contribué à la popularité des conservateurs provinciaux.
Cependant, John Rustad demeure une figure controversée dans la politique de la Colombie-Britannique, notamment en raison de son opinion sur les changements climatiques. Les conservateurs de la Colombie-Britannique rejettent l’idée que les changements climatiques soient une « crise » et se positionnent ainsi en opposition au consensus scientifique dominant. Cette position a suscité des critiques de la part des écologistes et des figures politiques plus progressistes, et elle restera un point de tension tout au long de l’élection. De plus, le programme du parti a été critiqué pour ses positions sur les questions sociales, notamment son opposition à certains aspects de l’éducation portant sur l’égalité des sexes et à la diversité dans les écoles. Ce mélange de climato-scepticisme et de points de vue traditionalistes sur les enjeux sociaux a conduit M. Rustad à être contesté par d’anciens partisans de BC United qui hésitent à la suivre. Au moins trois députés de BC United envisagent de se présenter comme candidats indépendants, ce qui pourrait encore permettre au NPD de diviser les voix comme il l’espérait.
Le NPD conserve son avantage en tant que parti sortant et reste le mieux placé dans la région métropolitaine de Vancouver qui est riche en sièges. En parallèle, les conservateurs dominent dans les circonscriptions de la région de l’Okanagan, de l’intérieur et des zones rurales de la province. Pour David Eby, il est crucial que son parti maintienne son avance dans les zones fortement urbanisées tout en cherchant à limite la montée des conservateurs dans les zones à forte concentration urbaine et sur l’île de Vancouver. Pendant ce temps, M. Rustad doit capitaliser les gains de son parti dans les zones rurales et chercher toute ouverture dans la région métropolitaine de Vancouver afin de devenir Premier ministre.
Cette élection est déjà dans l’histoire. Il s’agit d’une élection à suivre de près, dont le résultat sera une question de « premières ». Le NPD réussira-t-il à remporter une troisième élection consécutive, pour la première fois de son histoire ? Ou John Rustad parviendra-t-il à ramener les conservateurs de la Colombie-Britannique au pouvoir pour la première fois depuis 1928 ? Par ailleurs, quel avenir attend BC United et ses membres qui choisissent de ne pas se rallier derrière Rustad ?