Survol de quelques mesures moins remarquées pour les entreprises dans le budget du Québec

Le paiement unique de 500$ à tous les adultes qui gagnent moins de 100 000$ a été la mesure la plus remarquée du budget présenté mardi par le ministre des Finances, Eric Girard. Le document contient néanmoins plusieurs autres mesures qui ont peut-être moins retenu l’attention, mais qui pourraient avoir un impact significatif pour les entreprises. En voici six.

1 – Une agence fiscale plus efficace grâce au numérique

Québec investira 123,4 millions d’ici cinq ans pour transformer la prestation de services de Revenu Québec aux particuliers et aux entreprises. L’objectif : instaurer un modèle d’administration fiscale simplifié, numérique et plus efficient.

Le Projet VISION repose sur cinq piliers, dont de simplifier l’expérience du client, bonifier les services aux entreprises, renforcer la sécurité de l’information, et lutter contre l’évasion fiscale et la fraude.

Ce projet se déploiera sur 10 ans et il pourrait avoir un impact tangible sur les entreprises. Plusieurs groupes réclament depuis des années que le gouvernement allège leur fardeau administratif et réduise la paperasse. Cette annonce est assurément un pas dans cette direction.

Le gouvernement y voit assurément des avantages : « Comme il sera plus facile de remplir ses obligations fiscales, un plus grand nombre de contribuables devraient s’acquitter de leurs responsabilités sans l’intervention de Revenu Québec, ce qui profitera à l’ensemble de la population. »

2 – Lutter contre la crypto-criminalité

Le budget met en relief l’attention croissante du gouvernement québécois aux cryptomonnaies. Il perçoit le marché émergent des cryptoactifs comme « un terreau fertile pour l’apparition de nouveaux types de criminalité ».

Le gouvernement veut s’attaquer aux produits financiers illicites, aux pratiques frauduleuses, à l’utilisation de rançongiciels et au vol des cryptoactifs. Il souhaite également contrer les stratagèmes d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent utilisant les cryptomonnaies.

L’an dernier, Québec a mis sur pied un Comité interagences sur les cryptomonnaies. Son objectif est de développer les meilleures pratiques au sein des ministères et organismes du gouvernement québécois face à l’émergence de l’industrie des cryptoactifs et pour mieux protéger les Québécois contre les fraudes et les cybermenaces.

Depuis l’automne 2021, Revenu Québec veille à l’application de la Loi sur les entreprises de services monétaires. L’agence a mené 700 inspections jusqu’ici. Elle va intensifier ses activités pour veiller à ce que les plateformes d’échange en ligne et les guichets automatiques de cryptoactifs respectent leurs obligations.

3- Protéger et promouvoir le français

Le gouvernement de la CAQ a fait de la protection et de la promotion de la langue française une priorité. Il a notamment présenté le projet de loi 96 en mai 2021. Le budget témoigne de l’importance que Québec accorde à cet enjeu : il prévoit 14,4 millions pour aider à mettre en œuvre la loi après son adoption. Il prévoit aussi près de 200 millions sur cinq ans pour intégrer des travailleurs étrangers et de promouvoir la langue française. Cette somme permettra d’améliorer l’accès aux cours de langue dans le milieu de travail. D’autres investissements incluent une enveloppe de 80 millions sur quatre ans pour attirer des étudiants étrangers en région en leur offrant des droits de scolarité réduits. Québec espère ainsi améliorer la francisation des immigrants tout en agissant contre la rareté de main d’œuvre.

4 – Protection des données et cybersécurité

Dans la foulée d’incidents majeurs comme le vol de données chez Desjardins, le gouvernement québécois a adopté le projet de loi 64, qui vise en outre à encadrer l’utilisation des données personnelles dans le secteur privé. Il a également créé le nouveau ministère de la Cybersécurité et du Numérique. Le gouvernement Legault n’entend pas s’arrêter là. Le budget prévoit des investissements de 19,5 millions d’ici 2026-2027 pour renforcer le rôle de la Commission d’accès à l’information (CAI). Cette entité est responsable d’appliquer les nouvelles mesures dans le secteur privé. Avec ces sommes, on peut espérer que la CAI aura les ressources nécessaires pour aider les entreprises à interpréter leurs nouvelles obligations.

5 – Combler l’écart de productivité

Réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario est un cheval de bataille du premier ministre François Legault depuis son retour en politique au début des années 2010. Le budget de mardi, le dernier avant les élections générales, témoigne de cette préoccupation, au moment où l’économie est confrontée à des défis tels que la pénurie de main-d’œuvre et la guerre en Ukraine. Le texte ne passe pas par quatre chemins pour identifier la solution : « L’accroissement de la productivité constitue le principal levier pour augmenter la richesse du Québec et éliminer son écart de niveau de vie avec l’Ontario. » D’ici 2026-2027, Québec prévoit investir près de 2,2 milliards de dollars pour soutenir l’innovation et la recherche, poursuivre le virage numérique et stimuler l’investissement en nouvelles technologies, l’entrepreneuriat et les exportations.

6 – L’impact de la guerre en Ukraine

L’économie québécoise a connu un fort rebond après la pandémie, plus fort que prévu d’ailleurs. Le gouvernement s’attend à ce que la croissance se poursuive. Cependant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie le force à revoir ses prévisions économiques. « La guerre en Ukraine a poussé les prix de l’énergie et des autres matières premières à la hausse, ce qui aggravera les pressions inflationnistes déjà présentes », peut-on lire dans le budget. Le Canada et le Québec subiront des contrecoups du conflit, « mais dans une moindre mesure ». La hausse soutenue des prix du pétrole aidera l’économie du Canada, puisque le pays est un exportateur net. Mais le Québec est un importateur net de pétrole. Cela veut dire que la hausse du prix du brut aura un « effet négatif sur sa balance commerciale ».