Élections québécoises: derrière un parti dominant, un paysage politique changeant

Le Québec sera officiellement en période électorale ce dimanche. Le vote se déroulera le 3 octobre. Si les prévisions des politologues et des sondeurs s’avèrent exactes, il n’y aura pratiquement pas de course. Toutes les projections des derniers mois prédisent une victoire facile à François Legault, le premier ministre sortant et chef de la Coalition avenir Québec.

Tout au long du mandat, les appuis au premier ministre se sont maintenus, notamment grâce à sa gestion de la pandémie de COVID-19. Le vote des oppositions se divise entre quatre partis – le Parti libéral du Québec, Québec solidaire, le Parti conservateur du Québec et le Parti québécois. Jusqu’ici, aucun n’a réussi à émerger comme un concurrent sérieux au parti de M. Legault.

Mais si nous avons appris une chose au cours des dernières années, c’est que les élections peuvent nous réserver des surprises. En 2011, le Nouveau Parti démocratique a balayé la province en remportant 75 sièges aux élections fédérales. Il n’avait jamais gagné plus d’un siège auparavant. En 2014, les sondages prédisaient une victoire facile à la première ministre indépendantiste Pauline Marois, mais son ambiguïté sur la question référendaire a fait dérailler sa campagne et elle a été défaite par le libéral Philippe Couillard. En 2018, ce même M. Couillard a été battu après seulement un mandat. Les Québécois ont donné le pouvoir au parti de M. Legault qui n’avait alors que sept ans!

Les sondages favorables à M. Legault ne montrent qu’une partie du portrait. En effet, le paysage politique québécois est en transformation.. Les partis qui ont gouverné la province pour le dernier demi-siècle sont en difficulté, et de nouveaux partis émergent.

Ce mouvement est alimenté par deux tendances lourdes : une érosion du soutien au mouvement indépendantiste, et les lacunes du modèle de gouvernance du Québec.

Le “Modèle québécois”

Depuis les années 1960, le gouvernement du Québec a développé un modèle unique en Amérique du Nord. Il cherche activement à stimuler l’économie et à fournir à la population des programmes sociaux généreux. Cependant, ce qu’on appelle le « Modèle québécois » commence à montrer des signes de fatigue.

Le système public de santé est poussé à ses limites par la pandémie, par une population vieillissante et par une pénurie de main d’œuvre persistante. Près d’un million de Québécois attendent qu’on leur attribue un médecin de famille et les salles d’urgence sont souventdébordées. Le piètre état des écoles, la rareté des places dans les services de garde et la hausse du coût de l’immobilier et du logement sont des sujets d’actualité récurrents.

Plusieurs jeunes Québécois ont l’impression que ce modèle ne tient pas ses promesses et cela se reflète dans les sondages. Les 18-34 ans délaissent les deux partis qui ont gouverné le Québec au cours du dernier demi-siècle, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois.

Certains se sont ralliés à la Coalition avenir Québec de M. Legault, mais d’autres se tournent vers de nouvelles options. C’est ici qu’émergent Québec solidaire, un parti de gauche, et le Parti conservateur du Québec, un parti de droite, qui posent tous deux un défi au statu quo. Québec solidaire est favorable à l’indépendance, promet des programmes sociaux plus généreux, une intervention plus soutenue de l’État dans l’économie et des réformes importantes pour mieux protéger l’environnement. Le Parti conservateur du Québec propose d’ouvrir le système de santé au secteur privé, de réduire la taille du gouvernement et de lancer de nouveaux projets d’exploitation des ressources naturelles pour stimuler l’économie.

M. Legault jouit d’une avance confortable dans les sondages en grande partie parce que les électeurs âgés de 55 ans et plus appuient massivement son parti. Aucun des quatre partis d’opposition ne recueille plus de 20% des appuis. Mais si l’un d’entre eux parvient à fédérer les adversaires de M. Legault, la campagne pourrait devenir intéressante.

Voici certains enjeux que nous surveillerons pour nos clients.

Économie

Un ancien homme d’affaires, M. Legault a toujours fait du développement économique une priorité. L’économie du Québec s’est généralement bien portée pendant son premier mandat. Le taux de chômage est bas, mais l’inflation et la pénurie de main d’œuvre persistante affectent les foyers et les entreprises. Les partis de l’opposition commencent déjà à critiquer M. Legault sur cet enjeu.

Environnement

L’environnement est perçu comme un point faible de la CAQ en raison de sa position favorable aux entreprises. Maintenant, plusieurs projets industriels à travers la province sont contestés. Le cas des émissions d’arsenic de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda est devenu une controverse majeure au cours des dernières semaines. On voit de plus en plus de communautés se mobiliser contre des projets miniers. Québec solidaire n’a pas caché son intention de faire de la protection de l’environnement un élément clé de sa campagne.

Transport collectif

Voici un enjeu majeur dans la région de Québec, connue pour ses changements d’allégeance politique fréquents. Le gouvernement de la CAQ prévoit y construire un réseau de tramway ainsi qu’un nouveau tunnel routier, « 3ème lien » sous le fleuve Saint-Laurent. Il est donc critiqué par des environnementalistes qui lui reprochent de contribuer à l’étalement urbain, mais aussi par le Parti conservateur du Québec. Son chef Éric Duhaime s’oppose au projet de tramway et milite pour le développement routier.

Langue française/Identité

Le gouvernement de la CAQ a adopté le projet de loi 96, qui renforce le statut de la langue française dans toutes les sphères de la société québécoise. Le projet de loi a été vivement contesté par les Québécois de langue anglaise. Cependant, le Parti libéral du Québec, historiquement proche de cette communauté, a adopté une position ambiguë dans le dossier. Cela lui a fait perdre des appuis dans des circonscriptions qui lui étaient traditionnellement acquises. M. Legault devrait faire campagne sur son bilan et défier les libéraux sur ce dossier. Le Parti québécois, favorable à l’indépendance, devrait pour sa part proposer des mesures identitaires plus fortes.

Sécurité publique

La criminalité est généralement faible au Québec, mais une série de fusillades à Montréal ces derniers mois a ébranlé le sentiment de sécurité des résidents. Les partis de l’opposition ont unanimement décrié la gestion du dossier par le premier ministre. Celui-ci a promis qu’il ne laissera pas la métropole se transformer en « Far West ».

Santé

La campagne coïncide avec la rentrée scolaire pour des milliers d’enfants. Des experts en santé publique anticipent une nouvelle recrudescence de la COVID-19 au cours des prochaines semaines, car les salles de classe sont d’importants foyers de contagion. Ceci pourrait de nouveau mettre en relief la vulnérabilité du système de santé, dont les travailleurs sont épuisés par le combat contre la pandémie. Une nouvelle flambée de la maladie pourrait aussi relancer le débat contentieux sur les restrictions sanitaires.

Même si les sondages actuels prédisent une victoire facile pour la CAQ de M. Legault, plusieurs choses peuvent se produire d’ici au 3 octobre. Nos clients peuvent compter sur PAA pour suivre la campagne de près, et les garder informer en tout temps.