Des orientations divergentes : la politique budgétaire après la pandémie

Que ce soit à Ottawa ou dans les capitales provinciales, le printemps est traditionnellement la saison des budgets au Canada. Après plusieurs années de dépenses pandémiques financées à coups de déficits, les budgets déposés les uns à la suite des autres au cours des premiers mois de 2023 soulignent des divergences de taille en matière d’orientations fiscales. Alors que l’inflation continue d’affecter les ménages et qu’un nombre croissant d’experts anticipent une récession causée par de fortes hausses des taux d’intérêt, les gouvernements du Canada, petits et grands, affichent des priorités très différentes.

Ottawa poursuit ses dépenses

En anticipation du dépôt de son budget le 28 mars, le gouvernement fédéral a envoyé des signaux indiquant que des restrictions seraient mises en place. Cependant, les déficits de ce budget sont supérieurs de 10 milliards de dollars par année par rapport à ce qui avait été prévu lors de la dernière mise à jour. Il y a à peine six mois, la mise à jour économique et budgétaire du gouvernement suggérait que le déficit fédéral pourrait être éliminé d’ici 2028. Cette prédiction n’est plus en vigueur. Le gouvernement fédéral donne la priorité aux dépenses plutôt qu’aux restrictions, avec un plan de 13 milliards de dollars pour étendre les soins dentaires et un « rabais à l’épicerie » unique pour les familles à faible revenu. Jusqu’à présent, le budget fédéral est le seul à prévoir une récession en 2023, ce qui aurait un impact sur les revenus à tous les niveaux.

L’Ontario se garde une réserve

La situation budgétaire de l’Ontario est solidifiée par d’importantes réserves et par des fonds non utilisés. Contrairement au gouvernement fédéral, l’Ontario cherche des moyens de ne pas dépenser. D’ici 2026, l’Ontario détiendra 4 milliards de dollars par an en fonds de réserve, contre 1 milliard de dollars par an pour l’exercice en cours. Ces coussins signifient que l’Ontario se dirige à nouveau vers des excédents annuels. Bien qu’un déficit de 1,3 milliard de dollars soit annoncé pour cette année, les recettes devraient dépasser les dépenses à partir de 2024-25. Le budget de l’Ontario ne prévoit pas de récession et ses mesures d’urgence pourraient protéger la province contre des coûts inattendus qui découleraient d’un ralentissement économique. 

Des réductions d’impôts historiques au Québec

Le gouvernement du Québec reconnaît qu’il y a 50 % de risques de récession dans les mois à venir. Même si cela risque d’affecter les recettes fiscales de la province, le ministre des Finances, Éric Girard, reste optimiste. À tel point que l’ancien cadre de la Banque Nationale a annoncé les plus importantes réductions de l’impôt sur le revenu des particuliers de l’histoire de la province. Les deux premiers niveaux du taux d’imposition sont réduits d’un point de pourcentage. Cela permettra à 4,6 millions de contribuables d’économiser l’équivalent de 814 dollars pour les particuliers et de 1 627 dollars pour les couples. Le coût total de cette mesure est de 9,2 milliards de dollars. Le gouvernement de François Legault tient sa promesse électorale d’alléger le fardeau fiscal du Québec, qui est le plus élevé en Amérique du Nord. Mais cela a un coût : une baisse des contributions au Fonds des générations, destiné à réduire la dette, ainsi qu’un déficit de 4 milliards de dollars, alors même que de nombreux experts anticipent un ralentissement de l’activité économique.

L’Ouest : les revenus liés aux ressources naturelles renforcent l’Alberta et la Saskatchewan

Les provinces de l’Ouest qui tirent d’importants revenus des ressources naturelles disposent de fonds à dépenser (Alberta, Saskatchewan). Au contraire, celles qui ne possèdent pas ces revenus sont confrontées à des déficits persistants (Colombie-Britannique, Manitoba). Sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie, l’Alberta et la Saskatchewan ont toutes deux enregistré des excédents d’un milliard de dollars, ce qui a permis à l’Alberta en particulier de dépenser avant les élections tenues en mai. La Colombie-Britannique a également enregistré un excédent important de plus de 4 milliards de dollars pour l’exercice en cours. La province s’attend cependant à renouer avec les déficits dans les années à venir, car elle se concentre sur des investissements dans les domaines de la santé et des services sociaux. Bien qu’ils continuent à se réduire, le Manitoba continuera d’enregistrer des déficits modestes.  

Canada atlantique : une croissance lente suivant une augmentation de la population

Les provinces de l’Atlantique prévoient quant à elles une croissance économique ralentie pour 2023-24, après des années de pandémie marquées par une forte croissance et augmentation de l’immigration provinciale. Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, Ernie Steeves, a résumé la situation dans son discours sur le budget : « Nous sommes passés d’une province aux prises avec une économie en déclin et des finances publiques non viables à une province qui s’attaque aux défis découlant de sa croissance. La province connaît une croissance démographique record. L’âge moyen dans la province a diminué. Le taux d’emploi a atteint un sommet inégalé grâce à une augmentation record du nombre d’emplois à temps plein. Le nombre de mises en chantier a atteint son plus haut niveau depuis 1983. Les exportations ont également atteint un sommet. Le ministère des Finances et du Conseil du Trésor prévoit une croissance du PIB réel de 0,8 % en 2023, alors que la croissance ralentit par rapport aux niveaux élevés observés au cours des deux dernières années ».