Débat sous haute tension à l’Assemblée nationale

Il y a eu un premier électrochoc en campagne électorale lorsque François Legault a proposé de construire de nouveaux barrages. Puis, une nouvelle décharge en début d’année avec la démission de la PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu. Maintenant, à l’aube de la rentrée parlementaire, la tension monte. Le débat qui point à l’horizon sur l’avenir énergétique du Québec pourrait avoir un impact majeur sur les entreprises.   

L’Assemblée nationale reprend ses travaux mardi, et les orientations du gouvernement de la Coalition avenir Québec en matière d’énergie seront suivies avec beaucoup d’attention pendant la session parlementaire.

Grâce à ses riches ressources hydroélectriques, les Québécois profitent des tarifs d’électricité parmi les plus bas au monde. Les consommateurs industriels profitent d’un tarif encore plus avantageux. Cette abondance d’électricité a attiré bon nombre d’entreprises comme les alumineries au cours des dernières décennies.

Le premier ministre François Legault ambitionne de combler l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Il souhaite attirer de nouveaux investissements dans des secteurs émergents tels que les batteries, l’aluminium vert et l’acier vert. Pour y parvenir, il mise sur l’électricité abordable et à faible empreinte carbone générée dans les barrages et les champs éoliens québécois.

Or, il est devenu clair au cours des derniers mois que l’énorme parc de production d’Hydro-Québec, qui comprend 63 centrales, 29 grands réservoirs et 684 barrages dont 92 ouvrages régulateurs, ne suffira pas à combler la demande. Dans son dernier rapport annuel, la société d’État confirme qu’elle devra hausser sa capacité de production de 50%.

Deux autres facteurs viennent corser la situation encore davantage : les contrats d’exportation d’électricité vers la Nouvelle-Angleterre et l’expiration en 2041 de l’accord avec Terre-Neuve qui permet à Hydro-Québec de payer un prix très avantageux pour la production de la centrale de Churchill Falls.

M. Legault souhaite renégocier le contrat de Churchill Falls et propose de construire de nouveaux barrages mener à terme sa vision de développement économique. Mais cette idée s’est heurtée à la résistance d’Hydro-Québec, qui mise plutôt sur l’efficacité énergétique. Cet automne, la PDG Sophie Brochu a dit craindre que le Québec ne devienne un « Dollarama de l’électricité ». Elle a annoncé son départ au début de l’année.

Dans son discours inaugural, M. Legault a convié les Québécois à un « vrai débat de société » sur la production électrique. Son gouvernement organisera une consultation sur l’avenir énergétique au cours de la session parlementaire. Il compte aussi présenter un projet de loi majeur pour réformer Hydro-Québec et la Régie de l’énergie, l’organisme indépendant qui fixe les tarifs d’électricité.

Au cours des derniers jours, le premier ministre a indiqué qu’il compte réviser les tarifs aux industries. Il souhaite que les entreprises qui contribuent à réduire les gaz à effet de serre, ou qui génèrent d’importantes retombées économiques, profiteront de prix plus avantageux.  

Il est clair que le débat des prochains mois sera émotif. Au Québec, l’électricité n’est pas seulement une forme d’énergie. C’est une composante essentielle de l’identité québécoise. La nationalisation de l’électricité, achevée par le gouvernement de Jean Lesage au début des années 1960, est une source de grande fierté. Le slogan électoral de Lesage, « Maîtres chez nous », incarne encore aujourd’hui le passage du Québec dans la modernité et l’affirmation de sa culture unique en Amérique du Nord.

De plus, construire de nouveaux barrages ne se fait pas en claquant des doigts. Les Québécois sont de plus en plus préoccupés par la protection de l’environnement et la création de réservoirs hydroélectriques détruit des habitats naturels. Les projets doivent également obtenir l’adhésion des Premières Nations et des municipalités. Sans compter la pénurie de main d’œuvre qui pourrait faire ralentir les projets en en faire augmenter les coûts.

Bon nombre d’entreprises ont choisi de s’établir au Québec en partie pour profiter des tarifs d’électricité attrayants. Mais à quel point cet avantage concurrentiel pourra-t-il être maintenu alors que le gouvernement Legault cherche à attirer nombre d’investissements dans les domaines des batteries, de l’aluminium vert et de l’acier vert, pour ne nommer que ceux-là? Alors que l’Assemblée nationale reprend ses travaux, ces questions seront au cœur des débats économiques et politiques du Québec pour les mois et, possiblement, les années à venir.