En moins d’une décennie, les élections provinciales de l’Alberta sont passées des élections les plus prévisibles au Canada aux campagnes les plus imprévisibles. Le 29 mai, les Albertains se rendront aux urnes pour faire un choix très difficile : réélire le Parti conservateur uni de Danielle Smith (UCP), ou replacer la chef du NPD, Rachel Notley, dans le siège de première ministre quatre ans après sa défaite électorale. La campagne s’annonce très serrée et promet de se concentrer sur une poignée de circonscriptions de Calgary. Le résultat, en revanche, pourrait avoir des conséquences importantes sur le paysage politique fédéral.
L’UCP et le NPD sont engagés dans une course très serrée. Le dernier sondage public les place à égalité avec 46 % de soutien populaire, sans qu’aucun autre parti n’ait un grand impact sur les intentions de vote. Il s’agit d’un niveau de polarisation inhabituel dans une campagne canadienne, et si l’on examine les résultats par région, la dynamique est frappante. Le NPD détient une avance de 30 points à Edmonton et on peut s’attendre à ce que le parti remporte presque tous les sièges de la capitale provinciale. L’UCP, en revanche, détient une large avance dans les régions rurales et pourrait faire réélire la majeure partie de son caucus régional.
Calgary, quant à elle, se présente comme le théâtre d’une bataille féroce : les conservateurs jouissent d’une faible avance à travers la ville, mais le NPD promet redoubler d’efforts pour faire des gains. Ainsi, le choix du prochain gouvernement albertain pourrait être déterminé par une poignée d’électeurs de quelques circonscriptions de la plus grande ville de la province.
Or, le PCU de la campagne de 2023 est bien différent du parti qui a remporté les élections de 2019. Jason Kenney avait multiplié les efforts pour construire une coalition conservatrice large et unie. Celle-ci a cédé la place à l’approche du gouvernement de Danielle Smith, partisan d’une ligne beaucoup plus dure avec Ottawa, et qui a notamment fait adopter une loi sur la souveraineté afin d’affirmer une plus grande emprise provinciale sur l’exploitation des ressources. Mme Smith a elle-même été critiquée pour son intervention personnelle dans des affaires criminelles concernant le blocus de la frontière de Coutts et les violations de la COVID-19, ce qui l’a aussi amenée à menacer les médias qui ont évoqué l’affaire de poursuites judiciaires.
L’UCP de Mme Smith pourrait donc perdre certains de ses partisans urbains au profit du NPD qui, quant à lui, peut se targuer d’avoir un compte en banque bien garni (avec au moins 2 millions de dollars de plus que son rival conservateur en 2022). Cet avantage financier donnera au parti l’occasion de mener une campagne vigoureuse dans l’ensemble de la province. Confiant quant aux possibilités de conserver ses bastions à Edmonton, le NPD a même déménagé son siège à Calgary afin d’optimiser sa présence dans le principal champ de bataille de la campagne. Le NPD consacre des ressources, du personnel et des efforts considérables à l’obtention de sièges clés qui pourraient lui permettre de revenir au pouvoir.
Quant aux thèmes de la campagne, il ne peut y avoir d’élections provinciales en Alberta sans débat sur l’industrie pétrolière et gazière de la province. Mme Smith et l’UCP ne cachent pas leur soutien à l’industrie pétrolière et gazière au détriment des énergies renouvelables. Mme Notley a quant à elle appelé à une approche plus équilibrée, qui consiste à favoriser les énergies renouvelables tout en soutenant le pétrole et le gaz. En avril, le gouvernement de l’UCP a publié un plan climatique qui visait l’objectif d’une émission nette nulle d’ici 2050 et se concentrait sur l’utilisation de technologies telles que le captage, la valorisation et le stockage du carbone (CCUS) ainsi que l’augmentation de l’utilisation des biocarburants. Le NPD restera probablement prudent dans son approche par rapport au secteur énergétique, reconnaissant le désir de ses propres partisans de prendre des mesures plus radicales pour réduire les émissions, mais comprenant également l’importance du secteur pour la subsistance de millions d’Albertains.
Une autre question clé portera sur la législation fédérale sur la transition équitable, qui n’a pas encore été déposée. Ce projet de loi est destiné à aider les travailleurs à faire la transition vers des emplois à faible teneur en carbone et à contribuer à la mise en place d’une économie à faible teneur en carbone au Canada. L’UCP et le NPD ont tous deux critiqué l’initiative. Mme Smith a accusé les libéraux fédéraux de vouloir supprimer près de 3 millions d’emplois dans la province, tandis que Mme Notley a affirmé que le manque de consultations du gouvernement fédéral signifiait qu’il devrait abandonner l’idée de présenter ce projet. L’impopularité de Justin Trudeau a également un certain poids dans la campagne. Si les troupes de Mme Smith sont réélues, elles pourraient considérer cette victoire comme une confirmation de son approche en matière de relations avec le gouvernement fédéral. Quant au NPD, bien qu’il soit un allié naturel des libéraux fédéraux sur les questions environnementales, il ne fait aucun doute que Mme Notley et son équipe ne voudront pas être perçus comme étant trop favorables au gouvernement Trudeau.
La campagne albertaine pourrait être l’une des plus passionnantes et significatives de 2023. PAA sera aux premières loges pour vous faire part de ses développements les plus importants.